Médiation scolaire : un processus éducatif ?

Une expérience de médiation scolaire en France




L’école est-elle encore un lieu d’acquisition des connaissances et de socialisation ? La violence n’épargne pas l’institution scolaire. Au contraire, on assiste ces dernières années à un accroissement de la violence dans les écoles. Ce phénomène révèle que l’institution vit une crise profonde, qui n’est qu’une des facettes de la crise généralisée des systèmes occidentaux de régulation sociale touchant l’ensemble des secteurs de la vie sociale. L’institution scolaire connaît une crise en tant que lieu d’acquisition des connaissances et lieu de socialisation. Témoignent de cette crise des indicateurs tels que : absentéisme, actes de vandalisme et de violence. La violence, endémique, se traduit aussi bien par des actes d’incivilité entre les élèves ou à l’égard des éducateurs que par des agressions verbales ou physiques. La médiation scolaire : pour une autonomie des élèves. A la lumière des expériences, une recherche-action a été menée dans ce cadre, sous la conduite de Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, chercheur et praticien, de l’Université Lumière-Lyon II. La recherche partait de l’hypothèse que le développement des programmes de médiation contribuerait à la promotion d’un nouveau modèle de régulation des conflits, plus consensuel. En premier lieu, elle représente, par la recherche d’un consensus ou d’un compromis, dans un climat de confiance, une alternative au modèle disciplinaire classique, qui repose sur la stigmatisation de l’élève par le prononcé d’une sanction. Ensuite, dans ce type de médiation scolaire, ce sont les élèves, eux-mêmes médiateurs, qui aident les parties en conflit à trouver une solution à leur problème. Enfin, la médiation participe, selon la formule de Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, d’un "ordre intermédiaire", c’est-à-dire qu’elle permet de favoriser l’autonomie des élèves, qui se donnent des règles qu’ils auront eux-mêmes élaborées, tout en se déroulant dans le cadre de la loi de l’établissement scolaire. Inscription dans un projet de zone et d’établissement Les établissements scolaires ont été choisis dans une zone près de Lyon où l’équipe de recherche a déjà eu l’occasion d’intervenir pour la mise en place de médiateurs de quartier, dans le cadre d’une recherche-action précédente. Les écoles choisies allaient de l’école primaire au lycée, de manière à établir la recherche-action dans le temps. La médiation : une "contre-culture" La médiation scolaire n’en est qu’à ses débuts en France et elle demeure tributaire de l’implication de quelques personnalités. Il semble en effet difficile de mettre en oeuvre des projets qui ne relèvent pas de la culture dominante, mais plutôt d’une contre-culture. Ainsi, dans le cadre de la recherche-action, seuls quelques enseignants se sont vraiment impliqués dans le projet de médiation par les élèves ; d’autres sont demeurés passifs ou ont fait part de leurs craintes de dérives, invoquant, par exemple, que "seul l’adulte doit être un référent pour régler les problèmes". Face à de telles résistances à propos de la capacité des élèves à gérer eux-mêmes leurs conflits, aussi bien de la part des enseignants que des élèves et des parents d’élèves, les chercheurs ont d’ailleurs renoncé à l’idée d’expérimenter un mécanisme de médiation entre les élèves et les membres de la communauté éducative, les premiers préfèrant dans ce cas ne pas passer par un intermédiaire. Un processus d’apprentissage L’objectif poursuivi à travers le projet de médiation, au-delà des réponses apportées aux problèmes immédiats, est, selon Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, de permettre "aux médiateurs d’acquérir un esprit critique (...) de favoriser une démarche pédagogique à travers un nouveau mode de règlement des litiges : la médiation". Les méthodes utilisées pour initier les élèves aux techniques de médiation ont été les jeux de rôle et les techniques audio-visuelles (ainsi de cet élève qui ne se rendait pas compte de son agressivité extérieure). Les jeux de rôle ont permis de comprendre comment gérer les émotions et de développer de la sympathie à l’égard de la victime. "La médiation s’inscrit ainsi dans un processus éducatif visant à développer les capacités de communication, les modes de raisonnement, que ce soit dans la gestion du processus de médiation ou dans la recherche de solutions au conflit". Elle permet également de développer de nouvelles solidarités et de responsabiliser des élèves, afin d’améliorer la qualité des relations qu’il est amené à nouer à l’école aussi bien qu’en-dehors de l’école. La médiation, processus éducatif, favorise la diffusion d’un modèle consensuel de régulation des conflits La médiation représente donc une contre-culture dans une société où l’on assiste à une véritable inflation du droit écrit et à une juridicisation des conflits. La juridicisation se définit comme "la propension à entamer un litige, à faire valoir des prétentions ou plus généralement à affirmer ses droits, à travers un recours accru aux tribunaux". C’est à ces tendances que se heurte le développement de la médiation, alors que le mécanisme, en impliquant mieux les parties dans le règlement de leurs conflits, permet, comme le souligne Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, "non seulement de surmonter les désaccords, mais de construire de nouvelles relations, de nouvelles solidarités, en un mot de reconstruire le lien social". En conclusion, la médiation, selon l’auteur, "appelle à une recomposition des rapports entre l’Etat et la société civile, à la constitution de nouveaux espaces intermédiaires de régulation des relations sociales. Le développement de la médiation scolaire s’inscrit dans ces recompositions car l’école constitue à la fois un lieu de socialisation et un lieu de production d’identité qui doit être pris en compte dans la reconstitution du lien social".


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Mots-clés Changement social - Citoyenneté - Ecole - Education - Jeunes - Lien social - Médiation - Médiation scolaire - Mode de règlement de litiges - Régulation sociale - Résolution des conflits -

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