Failles et faiblesses du droit... le vide juridique n’existe pas...

Incohérences et insuffisances du droit maritime français




Un numĂ©ro du bulletin mensuel de la CommunautĂ© martime de Dunkerque (France) reprend un article très intĂ©ressant sur les incohĂ©rences et les insuffisances du droit maritime français, Ă©crit par Robert Rezenthel, SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Port autonome de Dunkerque, dont nous retranscrivons ici l’intĂ©gralitĂ© : "Lors de l’audience solennelle qui ouvrit en France l’annĂ©e judiciaire 1992, Pierre Drai, premier prĂ©sident de la Cour de Cassation de l’Ă©poque, dĂ©clarait :" combattre pour le droit, c’est en connaĂ®tre les règles pour pouvoir en exiger l’application : que peut donc aujourd’hui le citoyen pour pĂ©nĂ©trer ce maquis, chaque jour plus Ă©pais, des 360.000 textes lĂ©gislatifs et rĂ©glementaires français et des 20.000 directives et règlements communautaires ?" Rappelons d’emblĂ©e que le vide juridique n’existe pas ! Il suffit, pour s’en convaincre, de lire l’article 4 du Code civil : Le juge qui refusera de juger sous prĂ©texte du silence, de l’obscuritĂ© ou de l’insuffisance de la loi, pourra ĂŞtre poursuivi comme coupable de dĂ©ni de justice. VoilĂ  une menace directe du lĂ©gislatif au judiciaire. MĂŞme si le Parlement et l’autoritĂ© administrative n’accomplissent pas correctement leur mission, le juge doit nĂ©anmoins prendre position. C’est, nous dit-on, l’application du principe de la sĂ©paration des pouvoirs. Ce principe suscite maintes interrogations sur le tracĂ© exact des frontières entre les pouvoirs respectifs. MĂŞme si le Parlement est souverain, ce sont souvent des services ministĂ©riels qui rĂ©digent les projets de loi. Ainsi, lors du vote sur la loi d’amĂ©nagement, la protection et la mise en valeur du littoral, les parlementaires n’ont pas fait preuve d’une grande curiositĂ© sur la dĂ©finition de la notion d’Ă©quipements lĂ©gers dont l’expression rĂ©sultait du projet de loi, et alors mĂŞme qu’il n’existe pas en France de dĂ©finition du Port Maritime. L’absence de dĂ©finition dans les textes constitue souvent une lacune durement ressentie par les praticiens chargĂ©s de les appliquer. C’est le cas pour la profession de transitaire ou la nature du contrat de pilotage. Des oublis significatifs peuvent ĂŞtre observĂ©s dans certains textes. Ainsi de la situation particulière des femmes dans les activitĂ©s maritimes. Les rĂ©dacteurs du code du travail maritime n’envisagent, semble-t-il, les marins qu’Ă  l’image du Capitaine Haddock, puisqu’aucune disposition particulière ne concerne les femmes, alors que plusieurs centaines d’entre elles travaillent Ă  bord des navires, en particulier sur les ferries, et possèdent le statut de marin. Des textes illĂ©gaux, ou plus exactement des textes non conformes aux principes de base, ne sont pas rares ; ils constituent une des failles de tout système juridique. L’une des causes de l’illĂ©galitĂ© de certains actes administratifs rĂ©side dans l’insuffisante sensibilisation des pouvoirs publics français Ă  l’Ă©gard du droit communautaire. Le Conseil d’Etat dĂ©nonça cette situation, notamment dans son rapport public pour 1992. La Cour de Justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes a condamnĂ© la France en raison, entre autres, de l’incompatibilitĂ© entre le Code du travail maritime (qui rĂ©servait certains emplois aux marins français) et entre les textes relatifs aux droits de port, avec les dispositions du règlement CEE, sur le principe de la libre prestation des services des transports maritimes entre les Etats membres, et entre Etats membres et Etats tiers. MĂŞme lorsqu’une loi est votĂ©e, tous ses Ă©lĂ©ments n’ont pas nĂ©cessairement force obligatoire : par exemple, plus de dix ans après le vote de la loi, les dĂ©crets fixant la liste des communes littorales et les conditions de dĂ©limitation du rivage de la mer par des procĂ©dĂ©s scientifiques ne sont toujours pas intervenus. L’imprĂ©cision, la dispersion et l’incohĂ©rence des textes, ainsi qu’une vigilance insuffisante des pouvoirs publics constituent les principales causes d’illĂ©galitĂ© de certains actes administratifs. La circonstance, pour un Etat membre de l’Union europĂ©enne, de ne pas prendre les mesures prescrites par un règlement communautaire ou de ne pas transcrire une directive dans son droit interne, constitue une situation illĂ©gale. En conclusion, le droit comme toute technique comporte des faiblesses, qu’il s’agisse de l’Ă©laboration ou de l’application des règles. Si la jurisprudence constitue l’une des principales sources du droit, on peut s’inquiĂ©ter du modeste taux de publication des dĂ©cisions de justice. Ce constat est Ă  mettre en regard avec la profusion des textes applicables de nos jours. Le pouvoir appartient au citoyen, nous dit la Constitution, il leur revient d’en contrĂ´ler attentivement l’usage qu’en font les institutions sous peine de favoriser la perversion de la dĂ©mocratie ! "


calle
calle
Mots-clés Droit - Droit des marins - Droit étatique - Droit international - Formalisme juridique - Jurisprudence - Loi - Mer - Pouvoir judiciaire - Rôle du droit -

calle

Site réalisé avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme | Juristes-Solidarités participe à la Coredem | Action soutenue par la région Ile-de-France