"Rondes" et développement : un projet paysan




Les "rondas" sont nées dans des conditions particulières. Dans le département de Cajamarca (Pérou) étudié ici, les paysans, pour des raisons peu connues encore, n’étaient pas organisés en communautés. Vers 1975, les paysans sont désavantagés par une politique qui vise à protéger le pouvoir d’achat de la population urbaine, confrontés au problème de parcellisation des terres et surtout à celui de vol de bétail. Ce vol est organisé par des propriétaires terriens qui ont quitté la campagne mais ont maintenu leur réseau de pouvoir local sous la protection duquel agissent les voleurs, leurs hommes de main. Dans ces conditions d’insécurité extrême où les paysans sont poussés à se voler entre eux, où leur survie même est en jeu, naissent les "rondas", projet graduel visant à l’unité paysanne, projet intégral et autonome : - un projet graduel, la première phase débute en 1976, quand la population s’organise pour assurer une surveillance nocturne. Ces "rondas" se multiplient rapidement. Il est intéressant de voir l’influence des expériences acquises par les réservistes de l’armée, au cours de leur service militaire, dans l’organisation des "rondas", leur vocabulaire. Devant l’impunité des voleurs qu’elles livrent à la police, les "rondas" mettent en place dans une seconde phase une justice paysanne fondée sur leurs propres principes de justice et d’équité. Cela entraîne la poursuite de certains dirigeants de "rondas". Le juge d’instruction de Bambamarca a cependant, vu ainsi, entre 1985 et 1987, son travail allégé de 35 pour cent. Une réponse paysanne homogène face aux problèmes extérieurs. Les "rondas" peuvent même fixer le prix de vente des principaux produits agricoles. - De nouveaux secteurs d’intervention pour les "rondas" : éducation, culture, aide sociale et surtout réinsertion sociale des délinquants. - Un projet autonome : consolidation des valeurs sociales (équité, participation populaire, cohésion du groupe) et culturelle. Les "rondas" ont une organisation interne démocratique qui garantit la cohésion du groupe. Les résultats concrets obtenus leur confèrent une légitimité. Devenues capables de négocier avec l’état, elles ont réussi à changer les termes de la relation ville/campagne. Pour l’auteur, il est important de bien se rendre compte que les "rondas" constituent un projet paysan intégral qui, se situant dans une dynamique de changement vers la société alternative qu’il propose, entre par là même en conflit ouvert avec l’état.


calle
calle
Mots-clés Communauté - Développement rural - Justice populaire - Organisation populaire - Paysan - Pratique du droit -

calle

Site réalisé avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme | Juristes-Solidarités participe à la Coredem | Action soutenue par la région Ile-de-France