"L’usage alternatif du droit"




L’expression "usage alternatif du droit", actuellement très rĂ©pandue en AmĂ©rique Latine et adoptĂ©e par le mouvement des services juridiques, est nĂ©e Ă  Catania, en Italie, en 1972. Roberto Bergalli, criminolo-gue critique, retrace dans un article dont le contenu est plus large (Usos y riesgos de categorĂ­as conceptuales : conviene seguir empleando la expresiĂłn "uso alternativo del derecho" ? = Usages et risques des catĂ©gories conceptuelles : convient-il d’utiliser encore l’expression "usage alternatif du droit") l’histoire, le contexte et les caractĂ©ristiques de l’usage alternatif du droit en Italie. En Europe, après la 2 guerre mondiale, la crise de la mĂ©diation juridique au sein des dĂ©mocraties sociales a suscitĂ© une rĂ©flexion approfondie chez les juristes critiques. En effet, Ă  la fin des annĂ©es 40, l’Europe s’ouvre Ă  un nouveau type de rapports entre sociĂ©tĂ© civile et Etat, et le droit constitutionnel Ă©volue vers plus de social et de dĂ©mocratie. NĂ©anmoins, les postulats traditionnels de l’Etat de droit (division des pouvoirs, distinction entre lĂ©gislation et administration, sĂ©paration entre privĂ© et public...) ainsi que les bases de la dĂ©mocratie Ă©conomique (libre marchĂ©) et politique (partis politiques, parlement) ont commencĂ© Ă  se dĂ©grader. De plus, la concentration Ă©conomique, la lutte politique armĂ©e des annĂ©es 70 et la perte de lĂ©gitimitĂ© de l’Etat providence suite Ă  la première crise Ă©nergĂ©tique, ont mis sĂ©rieuse-ment en question les trois fonctions attribuĂ©es au droit : orientation sociale, rĂ©so-lution des conflits, lĂ©gitimation du pouvoir. En Europe, après la 2 guerre mondiale, la crise de la mĂ©diation juridique au sein des dĂ©mocraties sociales a suscitĂ© une rĂ©flexion approfondie chez les juristes critiques. En effet, Ă  la fin des annĂ©es 40, l’Europe s’ouvre Ă  un nouveau type de rapports entre sociĂ©tĂ© civile et Etat, et le droit constitutionnel Ă©volue vers plus de social et de dĂ©mocratie. NĂ©anmoins, les postulats traditionnels de l’Etat de droit (division des pouvoirs, distinction entre lĂ©gislation et administration, sĂ©paration entre privĂ© et public...) ainsi que les bases de la dĂ©mocratie Ă©conomique (libre marchĂ©) et politique (partis politiques, parlement) ont commencĂ© Ă  se dĂ©grader. De plus, la concentration Ă©conomique, la lutte politique armĂ©e des annĂ©es 70 et la perte de lĂ©gitimitĂ© de l’Etat providence suite Ă  la première crise Ă©nergĂ©tique, ont mis sĂ©rieuse-ment en question les trois fonctions attribuĂ©es au droit : orientation sociale, rĂ©so-lution des conflits, lĂ©gitimation du pouvoir. Dans le cas de l’Italie, une culture politique de gauche a favorisĂ© le rĂ©alisme dans l’inter-prĂ©tation normative. Par ailleurs, la pratique innovante des juges est suivie d’une rĂ©ponse de la part des thĂ©oriciens du droit. Ainsi, le courant de la "Magistratura Democratica" a promu la rĂ©flexion sur les questions clĂ©s de la crise juridique, provoquant un bouleverse-ment dans l’interprĂ©tation des normes, s’Ă©loignant des pratiques exĂ©gĂ©tiques tradi-tionnelles. C’est dans ce cadre que la rencontre de Catania (15-17 mai 1972) a eu lieu, Ă  l’initiative du DĂ©partement juridique de la facultĂ© des Sciences politiques. Les productions Ă©laborĂ©es au cours de cette rencontre ont Ă©tĂ© publiĂ©es sous le titre de "L’uso alternativo del diritto" (L’usage alternatif du droit), en deux volumes. C’est Ă  partir de la diffusion de cet ouvrage que l’expression citĂ©e s’est diffusĂ©e. Pendant cette pĂ©riode, dĂ©cisive pour le sort de la dĂ©mocratie italienne, une stratĂ©gie politique de violence s’est mise en marche : la "strategia della tensione", qui commence par un attentat en 1969 et finit par la mort d’Aldo Moro en 1978. Cette situation a suscitĂ© le traitement du terrorisme par une lĂ©gislation pĂ©nale d’exception. Ce climat a rĂ©vĂ©lĂ© la perte de sens du droit, qui n’Ă©tait plus en mesure d’apporter une rĂ©ponse aux processus de concentration capitaliste, de centralisation bureaucratique, de montĂ©e de la violence et d’Ă©mergence de nouveaux paradigmes. Face Ă  cette situation, les propositions de l’usage alternatif du droit ne se sont pas limitĂ©es aux pratiques alternatives du droit.Un important travail Ă©pistĂ©mologique a Ă©tĂ© effectuĂ©, donnant de nouvelles orienta-tions Ă  la magistrature, que l’auteur rĂ©sume en "juges thĂ©oriciens du droit" et "fonctions politiques de la juridiction". Jusqu’Ă  prĂ©sent, la "Magistratura Democratica" a accompli un intense travail d’interprĂ©tation du droit, au point d’ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme le supplĂ©ant du pouvoir politique. Ceci dĂ©molit le mythe de l’apolitisme des juges, qui ne serait autre chose que l’adhĂ©sion aux valeurs dominantes. Face Ă  la manipulation mĂ©diatique et politique de certains procès cĂ©lèbres qui dĂ©gĂ©nĂ©raient en une sorte de justice expĂ©ditive dĂ©signant un bouc Ă©missaire Ă  l’opinion publique, les magistrats ont rĂ©agi, prouvant la fiction de l’Etat de droit. L’expĂ©rience des juges italiens a contribuĂ© Ă  enrichir la lĂ©gislation dans les domaines du droit administratif, constitutionnel, pĂ©nal, de l’organisation de la justice.


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Mots-clés Crise du droit - Démocratie - Droit - Epistémologie - Epistémologie juridique - Etat - Etat de droit - Interprétation de la loi - Justice - Magistrat - Politique - Réflexion - Usage alternatif du droit -

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