Le Droit comme arme de libération en Amérique Latine




Dans son introduction, Jesus Antonio de la Torre Rangel explique comment c’est sa pratique professionnelle (il a débuté comme avocat des pauvres, payé par l’état) qui a commencé à le faire douter de la véritable valeur du droit dans une société fondée sur le mode de production capitaliste. A travers cet ouvrage, il cherche à apporter quelques éléments de réflexion sur le rôle capital du droit dans un processus de changement social. Après différentes considérations sur le droit et la justice, ainsi que sur le droit moderne, il explique qu’il existe selon lui en Amérique latine une double juridicité. Chacune peut exister seule dans un état ou les deux peuvent se combiner. Il s’agit de la juridicité de l’état de compromis (selon la formule de Roberto Sanchez) et de celle de la Sécurité Nationale. L’état de compromis repose sur le fait que la prédominance de certains secteurs sociaux ne peut s’établir que sur la base de concessions importantes aux autres classes (exemple des régimes populistes notam-ment). La juridicité de cet état atténue les revendications de ces classes, permet donc le maintien de l’hégémonie économique des secteurs dominants, mais par la prise en compte même des prolétaires, est importante pour la politisation du droit. Dans le régime de Sécurité Nationale, détaillé aussi dans ce livre, les espaces politiques de liberté sont plus réduits. L’auteur distingue ensuite deux espaces dans lesquels un usage alternatif de droit est pos-sible : en faisant appliquer plusieurs dispo-sitions juridiques en vigueur, qui bénéficient aux classes inférieures ; en donnant à d’autres normes "neutres" un sens politique afin de les faire appliquer en faveur des opprimés. Il insiste sur la nécessité à chaque fois de faire appliquer ce droit de façon politique, afin que son application se fasse de manière critique. Dans le premier cas d’usage alterna-tif de droit, le prolétariat découvrira ainsi qu’il s’agit de concessions visant à maintenir les choses en place. Le droit bénéficiera donc aux classes inférieures tout en pouvant servir d’instrument pour un changement qualitatif des relations de production. Cela le conduit à soulever le problème d’une "culture juridique alternative" et d’une cons-cience politique des membres des groupes : sans cette conscience, l’usage alternatif de droit sera inefficace ; au mieux ce sera un réformisme, au pire une reproduction de l’appareil d’oppression.


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Mots-clés Droit - Politique - Secteur populaire - Théorisation - Usage alternatif du droit - Prolétariat urbain - Prolétariat rural -

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