La médiation : pratique ancestrale




La médiation suppose l’intervention d’une tierce-personne pour établir ou rétablir la communication entre deux personnes en conflit. Ce mode de résolution de conflit a connu un développement important ces dix dernières années et existe toujours aujourd’hui. Toutes les sociétés, toutes les cultures connaissent des processus qui tendent à éviter l’escalade des conflits. Le "sage" dans les sociétés dites "primitives" était contacté par les parties en conflit. En Afrique, la "palabre" autour du sage et de la communauté villageoise permet de réguler les tensions. Dans nos sociétés occidentales, la médiation connaît un renouveau car elle répond à une urgence sociale ; celle de rétablir le dialogue, de retrouver une meilleure qualité de vie par la communication, la coopération et la solidarité. Msimba Masamba, auteur de l’article, a réalisé en 1985 une étude sociologique chez les Maminanga, un des groupes sociaux constituant l’ethnie Kongo, au Zaïre. Il met en évidence trois réactions de la communauté face à une situation conflictuelle . La première est la réaction sociale diffuse qui émane des proches, des parents, amis, connaissances. Ces personnes vont tenter d’amener les protagonistes à un compromis, en incitant l’auteur à l’origine de la situation conflictuelle à réparer sa faute. Si la première phase échoue, alors intervient la réaction sociale organisée. C’est le "Kinzonzi", c’est-à-dire un réseau de négociation et de médiation plus structuré. Le mode d’intervention du "Kinzonzi" se définit par le proverbe : "Nous ne sommes pas le Kibaku (couteau), mais le Ntumbu (aiguille)". L’objectif premier est de sauvegarder les bonnes relations de voisinage. Ainsi le travail des acteurs de la réaction sociale consistera avec le "Ntumbu" (aiguille) à "retisser les liens déchirés" par le "Kibaku" (couteau), c’est-à-dire l’échange, la médiation et la négociation. Les protagonistes vont consulter des tierce-personnes dont le rôle sera déterminant dans la résolution du conflit. La logique du "Kinzonzi" évite ainsi le renvoi du conflit devant les instances officielles. La réconciliation suscite l’action de véritables médiateurs, les "nzouzi", comme celle de médiateurs informels, en des personnes reconnues par la communauté pour leur qualité de négociation et de compréhension. Il arrive pourtant qu’un acteur social rejette la solution proposée par le médiateur ; dans ce cas, il devient étranger à la communauté et devra se présenter devant le Tribunal de la Collectivité. Ce conflit, à ce stade, suscite donc l’intervention d’une réaction sociale spécialisée et on entre dans la logique du "Kibaku" (couteau). Le Tribunal de la Collectivité va trancher selon les solutions prévues d’avance, avec une marge de manoeuvre très limitée, selon un problème réduit à une infraction. Les solutions apportées pour la réduction du conflit se posent en termes de sanction, de peines. Là où la logique de l’aiguille réunit les membres d’une communauté par l’échange d’informations et par la médiation, la logique du couteau les sépare. Ce mode de résolution des conflits s’articule, tout d’abord, au sein de la structure familiale, puis seulement après, il est porté au sein de la communauté. Ce schéma traduit le rôle que remplit chaque échelon de la société en Afrique. A l’opposé, dans nos sociétés occidentales, le noyau familial est atomisé, la vie de quartier éclatée. Le conflit est immédiatement porté devant les tribunaux où la résolution sous forme de jugement sonne comme un couperet. Le loi impersonnelle et générale se substitue à toutes tentatives de dialogue. Si on assiste aujourd’hui à une renaissance de la médiation, c’est parce que celle-ci permet de réguler les tensions sociales, de renouer des relations de voisinage et de quartier, et d’éviter une cascade de conflits. Un proverbe africain dit " il n’y a pas deux personnes qui ne s’entendent pas, il y a seulement deux personnes qui n’ont pas discuté".


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Mots-clés Communication - Culture populaire - Droit coutumier - Lien social - Médiateurs informels - Médiation - Négociation - Résolution des conflits -

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