La minorité indigène Orang Asli : entre droit positif et droit coutumier




Au nombre de 83 000 dans la péninsule malaisienne, les Orang Asli constituent une minorité indigène, économiquement et poli-tiquement en marge de la société et divisée en 19 sous-tribus, chacune possédant sa langue et sa culture propre. Ils vivent sur une île. Les Orang Asli se réfèrent à leurs règles coutumières pour régler leurs conflits d’ordre social. Il s’agit là d’une pratique tolérée par le gouvernement malaisien dans la mesure où ces conflits ne revêtent qu’un faible intérêt. Les Orang Asli disposent, dans chacun de leurs villages, de leurs propres cours ou conseils (les "bicaraqus" ou "bicharaqs"). Lorsqu’il y a un délit (un vol, par exemple), la personne accusée et le plaignant se présentent devant le conseil, sans dire un mot : ce sont leurs amis et autres membres de la communauté qui parlent à leur place. Les sessions commencent le soir pour se terminer le lendemain matin. Lors de ces sessions, il ne s’agit pas d’établir qui a tort ou raison mais de déterminer les faits. L’originalité de ce type de règlement de conflits est qu’il ne repose pas sur l’exécution d’une peine (dans les cas exceptionnels de demande de paiement d’une amende, celle-ci est de toute façon très légère), mais sur la diffusion du sens de la responsabilité au sein des membres de la communauté. L’attitude du gouvernement malaisien à l’égard de l’application des lois coutumières propres aux Orang Asli est en réalité double : absence de protestation lorsque les Orang Asli s’y réfèrent pour régler des conflits sociaux et pénaux de faible ampleur, et mise à l’écart de ces lois lorsqu’il s’agit d’affaires criminelles. Ces dernières sont alors prises en charge par la police malaisienne. En matière foncière également, c’est le droit positif malaisien qui s’applique au détriment des droits de la communauté indigène... En effet, le destin des Orang Asli est, en matière foncière, véritablement à la merci des autorités étatiques en raison d’une loi dite "Aboriginal People Act"qui vise les populations indigènes, dont les Orang Asli. Introduite en 1954 au moment de l’insurrection communiste contre les colonisateurs britanniques, cette loi coloniale visait alors surtout à empêcher les insurgés communistes de chercher appui auprès des Orang Asli en interdisant, par exemple, l’entrée dans leur zone de vie de toute personne ne relevant pas de cette communauté indigène. Si en 1974, lors de sa révision, cette loi a permis de reconnaître certains droits en faveur des Orang Asli, le droit à l’éducation notamment ; en droit foncier, cette loi est demeurée répressive. Par cette loi, les Orang Asli, pourtant appelés les "princes de la terre" ("Buni Putra"), ont été privés des terres ancestrales qu’ils possédaient coutumièrement. Cette loi réserve en effet la possibilité pour l’Etat d’enjoindre à tout moment aux membres de la minorité de quitter leur territoire. Ainsi le gouvernement se réserve-t-il la possibilité de reprendre ces terres sans que les Orang Asli ne puissent faire valoir aucun texte législatif en leur faveur. Une telle dépossession n’est en outre assortie d’aucune indemnité ni réinstallation dans un autre site. Dans ce contexte, le " Center for Orang Asli Concerns" (littéralement, "Centre en faveur des intérêts des Orang Asli") a été mis en place. Créé à l’origine comme centre de documentation et d’information, il a permis, en 1987, d’organiser les Orang Asli en communauté grâce à la mise sur pied de relais d’associations locales dirigées par les indigènes eux-mêmes et non par les agents du gouvernement malaisien. Le Centre tente de promouvoir un travail de lobbying, soutenu par les populations indigènes elles-mêmes, auprès du gouvernement, afin que ce dernier adopte une législation nouvelle en accord avec les droits coutumiers des autochtones, ou accepte de réformer la loi de 1954 sur les populations aborigènes. A cette occasion, le Centre organise au niveau local des rencontres entre les différents acteurs intéressés et des séminaires en vue de sensibiliser et d’informer les populations concernées sur les principaux éléments de l"Arboriginal People Act".


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Mots-clés Droit coutumier - Droit coutumier-droit étatique - Légitimité - Lutte pour la terre - Minorité - Réforme du droit - Résolution des conflits - Terre -

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