Auto-formation et action juridique dans les luttes paysannes en France




Il s’agit du récit de Jean Designe, de Juristes-Solidarités, sur son expérience de juriste en milieu rural français entre 1968 et 1985. * 1968-1975. En Loire Atlantique, sans formation juridique, débuts dans le syndicalisme paysan comme animateur chargé des questions foncières et notamment celles touchant au fermage et au métayage, ainsi que des problèmes juridiques. Phase caractérisée par une démystification du droit, de l’appareil judiciaire, de ses auxiliaires et d’une prise de conscience commune. C’est au cours de l’Auto-formation juridique qu’il était en train de faire et confronté aux actions syndicales très dures que les paysans menaient, qu’il a réalisé le lien existant entre la réalité et la loi : "je n’étais pas conscient, comme la plupart des gens". Par la suite, son travail avec les paysans a été marqué par ce qu’il venait de découvrir, faisant systématiquement le lien avec l’histoire du texte dans toute approche technique des questions juridiques. Dans le développement de cette expérience, il a cherché ensuite à faire prendre en compte l’action juridique et le droit dans les actions syndicales conduites par les paysans. Travail difficile, d’une part parce que la loi est perçue comme extérieure à soi, abstraite, d’autre part parce que la capacité de mobilisation syndicale était à l’époque très grande, donc suffisante et excluant tout autre moyen. Jusqu’au jour où la répression s’abattant violemment sur les militants paysans (emprisonnements, dommages-intérêts...), il a été possible d’amorcer un travail de réflexion sur l’intérêt de la prise en compte du droit dans l’action, le droit étant un élément de la réalité. Le temps fort, l’aboutissement de ce travail s’est concrétisé par l’organisation de nombreuses réunions dans tout le département, mobilisant plusieurs milliers de personnes, sur le thème de la justice ("au banc des accusés") avec la participation d’avocats du Syndicat des Avocats de France et de magistrats du Syndicat de la Magistrature. * 1976-1985. Dans la Drôme, période caractérisée par une stratégie de formation à partir de thèmes très sensibles : foncier, pouvoir, justice. Plus précisément sur les questions de fermage et de métayage. Dans un premier temps, action d’information massive au cours de réunions locales à l’intention de tous les fermiers et les métayers. Puis dans un second temps, action de formation d’un certain nombre d’entre eux, plus motivés, pour leur donner la capacité de répondre à des questions juridiques posées par leurs collègues et pour être armés pour siéger les uns dans les structures réglementaires (Commissions), pour les autres dans les instances judiciaires (Tribunaux paritaires). En même temps, un travail d’auto-formation réciproque, entre magistrats professionnels et délégués fermiers-métayers, s’est fait, permettant aux uns (les paysans) de démystifier le juge, et aux autres (les juges) de connaître la réalité qu’ils ont à juger. La plupart d’entre eux ont été élus dans ces instances ; les résultats ont rapidement évolué. Globalement dans les 5 tribunaux, les fermiers et métayers en conflits avec leurs propriétaires , le plus souvent défendus par l’Association des fermiers drômois, gagnent leurs procès dans une proportion de 70 à 90 pour cent, alors que dans les autres départements où ce travail n’a pas encore été développé, défendus en général par des avocats, ils perdent leurs procès dans la même proportion.


calle
calle
Mots-clés Action juridique et judiciaire - Agriculture paysane - Autoformation - Droit - Droit-réalité - Fermage - Foncier-rural - Formation - Justice - Lutte paysanne - Métayage - Milieu rural - Organisation paysanne - Paysan - Répression - Syndicat paysan - Systématisation d’expériences - Tribunal -

calle

Site réalisé avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme | Juristes-Solidarités participe à la Coredem | Action soutenue par la région Ile-de-France