Les actions contre les rites de veuvage au Cameroun

Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF)



Au Cameroun, les rites de veuvage sont très ancrés dans la société, particulièrement dans l’Ouest du pays où la tradition est encore fortement respectée. C’est pourquoi l’antenne de l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes (ALVF) du Cameroun, basée à Bafoussam, capitale de la région, œuvre depuis 2008 à la lutte contre ces pratiques.


Que sont les rites de veuvage ?

Il s’agit d’un rituel composĂ© d’un ensemble de pratiques qui sont infligĂ©s au survivant dans un couple lorsque l’un des conjoints dĂ©cède. Ces « rites de veuvage » sont ainsi mis en place pendant la pĂ©riode de deuil.

Ces rites sont pratiqués aussi bien chez l’homme que chez la femme. Toutefois, ceux réservés aux hommes symbolisent la victoire de la vie sur la mort et préparent le veuf à une nouvelle vie sans sa compagne disparue. Pour les femmes, il s’agit d’un ensemble de violences physiques, psychologiques et économiques subi pendant les obsèques et bien longtemps après, comme pour la punir du décès de son époux.

Un des arguments pour convaincre la femme de s’exécuter est qu’elle doit, en subissant toutes ces tortures, donner la preuve de son innocence. En effet, l’espérance de vie des femmes étant plus longue que celle des hommes, elles étaient toujours soupçonnées d’être à l’origine de leur mort.

A l’origine, on évoque également le désir d’aider la femme à se réorganiser après le décès de son conjoint qui, dans la famille, jouait un rôle central. Ce qui s’explique par des pratiques comme le lévirat où un des frères du défunt va épouser la veuve pour la maintenir dans la famille et veiller sur les orphelins. La femme fait ainsi partie de l’héritage laissé par le mari.

Les pratiques sont diversifiĂ©es : elles vont des violences physiques aux violences psychologiques et Ă©conomiques.

Sur le plan physique, la veuve subit des bains glacés très tôt le matin, dans des marigots à l’hygiène douteuse. Elle se dénude devant des inconnus, hommes et femmes de la communauté, qui violent ainsi son intimité. Par ailleurs, il lui est demandé d’uriner en public dans un trou. Au cas où elle n’y arrive pas, cela signifie qu’elle est responsable de la mort de son mari…

Les violences peuvent enfin ĂŞtre psychologiques, le lĂ©virat et autres tortures telles que ne pas se laver pendant de nombreux jours ; ne manger que lorsque les responsables du rituel l’ont dĂ©cidĂ©, mĂŞme en cas de suivi d’un traitement mĂ©dical. L’ALVF a connu des cas de femmes sĂ©ropositives qui ne pouvaient prendre leurs antirĂ©troviraux tel que prescrits Ă  cause de ces interdits.

D’autres formes de violences Ă  la fois physiques et psychologiques sont mises en Ĺ“uvre : les veuves doivent dormir Ă  mĂŞme le sol, sauter au-dessus des feux…

Comment l’ALVF agit-elle pour que les veuves cessent d’être victimes de telles violences ?

Une Ă©tude faite par l’ALVF au sein du rĂ©seau « Foi et libĂ©ration », composĂ© de dĂ©fenseurs des droits humains et de religieux, visait Ă  voir si initialement il valait mieux aller vers une humanisation de ces rites ou vers son Ă©radication. Cette Ă©tude a permis de comprendre que les rites de veuvage, qui initialement Ă©taient une valeur africaine positive, ont subi beaucoup de perversions Ă  cause des pertes des valeurs traditionnelles et de la crise Ă©conomique. Et pour cela, mĂŞme si on adopte des stratĂ©gies intermĂ©diaires, l’objectif visĂ© est d’éradiquer les rites de veuvage et de repenser un nouveau système juridico-social qui pourrait valablement accompagner la veuve dans sa nouvelle vie.

Pour le moment, les veuves qui s’adressent à l’ALVF trouvent une réponse alternative au Centre Vie de Bafoussam, où un programme d’accompagnement est mis à leur disposition.

Par ailleurs, l’ALVF est dans un processus participatif pour aboutir à la proposition d’une loi qui mette fin à ces abominations.

Que sont les Centres Vie de Femmes (CVF) ?

Ce sont des structures d’aide directe aux femmes victimes de violences. Ce sont également des laboratoires au sein desquels on identifie des violences récurrentes pour mettre en place des plans d’éradication, avec la participation de toute la communauté.

Le CVF de Bafoussam offre aux veuves victimes de rites de veuvage un encadrement Ă  deux niveaux : la dĂ©traumatisation par le biais de sĂ©ances de psychothĂ©rapie individuelle et collective, ainsi que l’appui Ă©conomique aux victimes.

Aujourd’hui, au-delĂ  de l’encadrement des victimes, l’ALVF est entrĂ©e dans un processus de plaidoyer pour le changement des lois et Ă©galement pour un programme de sensibilisation et d’éducation des populations en vue d’un changement des mentalitĂ©s. Elle travaille dans ce sens avec des groupes sociaux diffĂ©rents : veuves, femmes chrĂ©tiennes, Reines-mères, chefs traditionnels, notables…

Les résultats obtenus

- Les veuves dĂ©noncent de plus en plus les violences qu’elles ont subies.
- Un groupe de veuves se rencontre et Ă©change leurs expĂ©riences. Elles se chargeront de relayer la sensibilisation dans leurs milieux d’appartenance.
- Une sensibilisation se fait dans les Ă©coles en direction des jeunes filles et garçons.
- Les mĂ©dias locaux relaient la dĂ©nonciation de ces flĂ©aux.

Le processus est long car il ne s’agit pas d’une simple sensibilisation mais d’un réel travail avec les veuves pour les amener à participer à la lutte contre les rites et déclencher le mécanisme nécessaire à leur propre reconstruction. Elles en ont les capacités.

Contact : Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes / BP 2350 YaoundĂ©, Cameroun


calle

Traduzione in italiano
calle
Mots-clés Afrique - Cameroun - Droits des femmes - Milieu rural - Relation tradition/modernité - Sensibilisation au droit -

calle

Site réalisé avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme | Juristes-Solidarités participe à la Coredem | Action soutenue par la région Ile-de-France