L’action juridique du Comité pour la Défense des Paysans

Recours au droit coutumier




Les gouvernants malgaches n\’ont jamais pris la situation des paysans en compte, alors que la population paysanne compte pour 85% des habitants de l\’île. Deux conceptions s\’affrontent, aux intérêts totalement contradictoires. Les paysans considèrent la terre comme un moyen de survie, dans une société où la dégradation économique, l\’exclusion, la marginalisation de la population rurale sont très importantes. Une minorité puissante, au contraire, souhaite transformer le paysage agricole en paysage industriel. Un exemple de cette divergence est l\’action menée par le Comité pour la Défense des Paysans, créé à l\’initiative d\’Honoré Rabekoto et composé de façon pluridisciplinaire de juristes, d\’un géo-biologiste, d\’un historien, d\’un dresseur de zébus... Le Comité fournit notamment des conseils techniques et juridiques aux paysans dans le cadre d\’un projet de mise en valeur de terres fertiles mais désertifiées, situées au Vakinankaratra, la région des Volcans. Ce projet est officiel, couvert par le ministère de l\’Agriculture et le Service des Migrations. Il organise le déplacement et l\’implantation de paysans sans terre. Ces paysans ont fait appel au Comité pour effectuer les démarches administratives nécessaires à l\’obtention de titres de propriétés. Une fois l\’accord du ministère acquis, l\’exploitation a été mise en place il y a deux ans, sur 1.500 hectares de friches. Bien vite cependant, les nouveaux élus communaux de l\’endroit ont fait des difficultés, notamment en faisant arracher par des soldats \"sans uniformes\" les cultures de manioc récemment installées, et en menaçant de représailles les paysans s\’ils ne quittaient pas les terres qui leur avaient pourtant été concédées par le ministère de l\’Agriculture. Certaines familles sont alors parties mais d\’autres sont restées, déterminées à défendre leur moyen de subsistance. Le régime instable et l\’incurie des mécanismes administratifs ne permet pas à l\’Etat malgache de défendre les droits des paysans. Des terres vacantes leur sont attribuées, mais cette attribution se voit contestée par des élus locaux évoquant l\’existence de faux titres de cadastre. Un des recours utilisés par le Comité pour la Défense des Paysans a été dès lors d\’utiliser un mode de résolution des conflits propre aux instances traditionnelles : les délibérations des collectivités de base. En quelques mots, cela signifie que, dans une communauté de base, la population délibère et décrète certains principes de gestion qui deviennent actes de loi, appelés Dina. Dans ce cadre, un des membres du Comité de Défense des Paysans a rédigé un texte, où il était proposé de décréter la région en état de siège et de menacer de détruire les récoltes des pilleurs, si la demande en réparation du dommage qu\’ils avaient causé n\’aboutissait pas. Une centaine de familles a été réunie, à qui le texte a été proposé. Trois cents personnes ont adopté le projet comme une loi. Le quota requis était plus qu\’atteint puisque l\’aptitude à légiférer oralement sur des questions de sécurité, exige un quota minimum de 100 personnes. En légiférant ainsi, par le biais d\’un droit coutumier traditionnel, le peuple devient à même de défendre ses intérêts et d\’apporter une solution que le pouvoir classique est impuissant à mettre en oeuvre. De plus, le gouvernement continue d\’envisager, depuis l\’indépendance en 1960, la propriété foncière selon le modèle du droit français, en voulant, par exemple, appliquer le système du cadastre, individualiser la propriété et créer des systèmes de fermage. Cela revient, dans le cas d\’espèce, à créer des faux titres et à menacer la sécurité d\’existence de centaines de familles. Selon le Comité pour la Défense des Paysans, les Malgaches devraient renouer avec une forme de propriété foncière collective et traditionnelle qui prendrait en compte les droits coutumiers. C\’est sur la base du dina faisant acte de loi, opposable en justice, qu\’une action a été intentée par le Comité pour la Défense des Paysans le 22 septembre 1997 à Bétafo (la région des volcans à Madagascar) pour \"demande en réparation\". Cette table ronde, posant de façon plus large la question du droit d\’accès à la terre, s\’est conclue par la décision de mettre en place une commission d\’enquête.


calle
calle
Mots-clés Action juridique et judiciaire - Comité de défense - Conflit - Coutume - Défense juridique - Droit - Droit coutumier-droit étatique - Foncier-rural - Groupement paysan - Lutte pour la terre - Population rurale -

calle

Site réalisé avec le soutien de la Fondation de France et de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme | Juristes-Solidarités participe à la Coredem | Action soutenue par la région Ile-de-France