Alger : habitat illicite à la périphérie




A l’instar de tous les pays du monde, l’Algérie présente elle aussi de vastes zones d’habitat illicite, (l’illicite ayant une connotation plus morale que juridique) que les responsables qualifient de "sauvage", "anarchique", non conforme aux "normes", etc. C’est le cas de la périphérie d’Alger. Se sachant exclus du processus d’attribution des logements, les groupes sociaux défavorisés ont élaboré leur propre réponse pour résoudre leur problème de logement, même si leur installation ne résulte pas d’un choix volontaire mais est souvent la seule alternative offerte à l’habitant. Ne disposant pas d’acte notarié qui lui donne le droit à la délivrance d’un permis de construire, la famille se voit obligée d’user de tous les moyens pour démarrer la construction. Les premiers travaux, qui quelque fois se font la nuit, commencent pas la mise en place d’une clôture qui permet de délimiter la parcelle. Cette opération est suivie quelque temps après par la réalisation rapide (24 h) d’une baraque de chantier. Puis, selon les matériaux obtenus après maintes privations et démarches, avec la famille ou une petite entreprise, est construit l’espace minimum vital constitué d’une chambre et des sanitaires. Considérée comme projet de vie, la construction de la maison peut durer plusieurs années, sans être jamais terminée. Tous les mécanismes mis en place pour assurer l’autofinancement de la construction, voire parfois l’achat du terrain, petits métiers, troc ..., renforcent l’instinct d’autodéfense et favorisent l’émergence d’une vie "associative" qui crée ses propres "lois", son propre code, ses règles. Le quadrillage du lotissement qui tente de l’identifier au modèle urbain n’en conserve pas moins certains aspects du modèle rural. D’autres normes sont prises en compte : les maisons étant mitoyennes, le problème du vis-à-vis est de fait réglé. L’alignement respecte le "prospect", c’est-à-dire le maintien d’une certaine distance par rapport à la maison d’en face, afin de ne pas empêcher son ensoleillement. Le gabarit de la maison, tributaire de la taille de la famille, peut poser problème et en cas de litige, il est réglé par un processus amiable. Si la famille décide d’occuper totalement le sol, elle le fait en sorte que cela ne gêne pas l’intimité du voisinage. Toutes les maisons sont en toiture-terrasse : la famille envisage ou laisse la possibilité aux enfants de construire en hauteur si le besoin s’en fait sentir ; la terrasse donne aussi la possibilité à la femme de faire sécher le couscous, prendre l’air ou de communiquer avec les voisins. Voilà quelques exemples de production de normes, de droit, régulant soit la vie interne de la famille, soit sa relation aux autres. Les problèmes de logement, de transport, de scolarisation, de santé, de vie quotidienne, constituent le ciment entre les individus et contribuent à l’émergence d’une identité collective. C’est ainsi que les habitants s’associent pour réaliser l’assainissement, amener l’électricité, tracer et consolider les voies, faire les démarches pour construire une école, un dispensaire ou créer une ligne de transport, celui-ci étant en grande partie assuré par des transporteurs clandestins habitant les lieux et n’ayant pas la possibilité d’obtenir une licence. La mosquée, maison commune et maison de Dieu, lieu privilégié de rencontre, de socialisation et d’enseignement coranique, reste entièrement financée par la population qui voit en elle le garant de l’inviolabilité du quartier et de sa reconnaissance. Nombreux sont les exemples où la stratégie adoptée par les constructeurs illicites leur permet, malgré les interdits, de construire des milliers de logements, de mettre les autorités devant le fait accompli les obligeant ainsi à reconnaître le quartier, à réaliser des équipements, à goudronner les routes et à constituer certains sites en communes et donc procéder à leur légalisation. Les groupes sociaux défavorisés s’élèvent contre leur exclusion de l’urbain et revendiquent, bien plus que le droit au logement, le droit à la ville, à travers un processus d’enracinement et de lutte quotidienne, par la défense d’un territoire contesté en permanence par les pouvoirs institutionnels.


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Mots-clés Communauté - Droit à la ville - Droit au logement - Droits au quotidien - Légitimité - Logement - Milieu urbain - Population défavorisée - Pression sociale - Production de droit - Régulation sociale - Stratégie d’action -

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