Les fondements anthropologiques des droits de l’homme : crise de l’universalisme et post-modernité




Bien que nés dans un contexte commun, celui de la philosophie des Lumières, les droits de l’homme et l’anthropologie se sont largement ignorés, au profit de la science du droit. Celle-ci apportait des "garanties" : l’universalisme, basé sur la foi en la codifica-tion exprimant une "raison écrite", et l’idéalisme, qui ignore l’enracinement socio- historique. De cette manière, la diversité des formes d’organisation sociale a été sous-esti-mée au profit de l’unité proclamée du genre humain. Actuellement, entrés dans la post-modernité et en pleine crise des systèmes de pouvoirs et des idéologies, les interactions droits de l’homme- anthropologie soulignent l’origine occidentale du discours des droits de l’homme, en lien étroit avec la modernité comme système de représentation du monde. Ce système étant devenu fragile, il est temps de repenser nos fondements humanistes et occidentaux, enrichissant le droit post- moderne par l’intégration des leçons du pluralisme juridique et du pragmatisme. Par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dont l’application a été bien décevante, les Etats signataires se sont imposés des règles d’auto-contrôle visant à protéger les droits des individus contre les pouvoirs étatiques holistes et potentiellement totalitaires. Cette conception de la modernité qui oppose l’individualisme à l’étatisme, tous deux sacralisés et basés sur le principe de l’unicité de la volonté, est purement occiden-tale donc relative. Ainsi, l’universalité des droits de l’homme se voit remise en cause. En effet, d’autres traditions culturelles ont pensé autrement le problème de la protection des individus face au pouvoir : soit en concevant de manière différente le pouvoir (pensées "indienne", confucéenne et islamique), mais avec des dispositifs assez proches de ceux de l’Occident qui permettent certaines adaptations ; soit en pensant l’être humain non comme une personne mais en symbiose avec la création (pensées "animis-tes" africaines et amérindiennes), avec des principes de pluralité et d’interdépendance qui ne laissent pas de place aux fondements anthropologiques occidentaux. Malgré cette diversité culturelle, l’Occident a poussé si loin le culte de l’uniformité, qu’il ne peut plus concevoir les autres que comme des semblables, justifiant ainsi une politique d’assimilation. Dans cette lignée de domina-tion au nom de la modernité et de l’universa-lisme, une nouvelle norme "internationale" est en train d’émerger, autorisant les sociétés occidentales à imposer leur manière de vivre, de se guérir, de se comporter : le "devoir d’ingérence". L’ingérence n’est pas unique-ment fondée sur un devoir d’humanité. Elle est également l’autre face du "droit de conquête" dont les Amérindiens vont "fêter" le V centenaire en 1992 et dont la guerre du Golfe a apporté une nouvelle illustration. Ces démarches humanitaires sont entrées dans une impasse, ignorantes des détermina-tions anthropologiques et des enjeux démocratiques.


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Mots-clés Anthropologie juridique - Diversité culturelle - Droit d’ingérence - Pluralisme juridique - Post-modernité - Théorisation - Universalisme -

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