Démocratie et développement : un regard transversal




"Chaque peuple peut se définir par rapport à sa culture. Il incarne sa civilisation. Mais quand deux civilisations se rencontrent, il y a des échanges mutuels. L’une ou l’autre perdent plus ou moins leurs valeurs fonda-mentales. L’Afrique demeure le continent le plus profondément marqué par ce phéno-mène. A son contact avec l’Occident, la culture africaine semble être vidée de sa substance au mépris de sa richesse". A partir de ce point de départ anthropologi-que, Komi Biosse constate que le modèle de développement imposé à l’Afrique par la colonisation puis par ses propres élites, nie les valeurs culturelles des peuples africains et empêche leur épanouissement. Ainsi, l’idée que "l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie" est fréquemment avancée. Pourtant, la démocratie n’est pas nouvelle à l’Afrique, "elle est l’essence même de ces peuples". Mais le modèle démocratique occi-dental qui lui est imposé ne valorise pas ses propres approches, et conduit à un conflit permanent entraînant des effets pervers. Pour combattre ce mal, il faut s’attaquer à ses racines, en particulier le système éducatif, mal orienté : ainsi, les étudiants de deuxième cycle, au lieu de plagier les sujets de recher-che adaptés aux économies développées, devraient innover et se mettre au service de leur propre environnement. C’est à quoi s’emploie le CERAD (Centre d’Etude, de Recherche Appliquée et d’Appui au Développement), ONG togolaise d’appui, d’information et de sensibilisation de la popu-lation, pour qu’elle prenne conscience de ses réels problèmes et se mobilise pour trouver des solutions adéquates. Le Centre souhaite compléter l’action de l’Administration centra-le en réalisant des recherches qui apportent une meilleure connaissance du milieu, afin d’adapter les actions de développement et leur donner une cohésion. Partant de ce souci d’adaptation culturelle, l’auteur donne l’exemple d’une étude menée par le CERAD sur les sources des pratiques traditionnelles de régulation sociale du peuple Ewe. Pour ce groupe ethnique, numériquement le plus important au Togo, les sources de la norme procèdent essentiel-lement de son univers religieux : ainsi, Dieu est l’auteur des lois, et les fait respecter par l’intermédiaire de l’esprit des ancêtres et des Vodou, représentés par les chefs spirituels (le sage est le chef élu par la population). La communauté et la solidarité sont extrême-ment importantes pour la vie en société. L’auteur analyse trois pratiques tradition-nelles Ewe : le jugement des morts (la trans-gression des règles est punie après la mort, et la famille du coupable peut être obligée de payer une amende pour les dommages causés) ; la cérémonie de purification des initiés suite à une transgression des interdits Vodou, où la famille du coupable est également impliquée ; le respect du jour de repos hebdomadaire, au risque d’être exclu de la communauté. L’étude montre comment les politiques de développement, ne prenant pas en compte cette réalité, aboutissent à une confrontation et sont vouées à l’échec. Cette présentation illustre comment le droit est l’expression d’une culture, et correspond à une vision de l’homme et de la société. L’auteur décrit des pratiques traditionnelles de droit, mais il est dommage que son étude n’aborde pas la question des moyens par lesquels le peuple Ewe, par exemple, s’efforce de faire reconnaître et respecter sa vision et sa pratique du droit.


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Mots-clés Citoyenneté - Démocratie - Démocratie libérale - Démocratie occidentale - Démocratie universelle - Développement - Droit - Exclusion politique - Modèle de démocratie - Pauvreté - Processus de démocratisation - Société civile - Droit-Développement - Droit-Démocratie -

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