La nouvelle citoyenneté indienne : le cas de la Colombie




Divers ordres juridiques peuvent coexister dans une même société, car ils répondent à des situations différentes. Ceci est plus visible dans les sociétés où il y a des minori-tés ethniques. Dans le cas de l’Amérique Latine, la commémoration du V Centenaire de l’arrivée des espagnols a mis en avant les luttes indiennes pour la reconnaissance des minorités ethniques, mais la dimension juridi-que de ces luttes est moins connue. Cette lutte est pourtant fondamentale car, à côté des principes du droit positif occidental inscrits dans les constitutions et législations latino-américaines (inspirées par le courant de l’individualisme et de l’universalisme), elle propose la notion de "droits ethniques". Le cas de la Colombie à ce sujet est exem-plaire. En effet, l’Assemblée constituante élue en 1990 a inscrit dans la nouvelle Constitution un ensemble de droits applica-bles aux communautés indigènes, grâce à une mobilisation intense de ces dernières et à un débat démocratique, fondés sur une conception nouvelle de la "nation". La reconnaissance pluriethnique et pluricultu-relle concerne non seulement les indiens, mais aussi les noirs et les descendants des populations afro-caribéennes. L’ONIC (Organisation des Nations Indigènes de Colombie), qui articule un projet de société multiethnique et multiculturelle avec des droits spécifiques pour les minorités sur un projet démocratique national, a été le principal animateur de ce débat. Il n’a pas été possible d’innover en ce qui concerne la circonscription électorale ni la représentation de type politique. Le programme de l’ONIC aux élections était basé sur un projet de démocratie participative, dont le volet indien insistait sur : une organisation politique et sociale autonome sur des territoires indiens décrétés inaliénables et distincts des munici-palités ; un enseignement bilingue et pluricul-turel ; le respect des coutumes, religions et du droit coutumier indien. Parmi les 72 constituants élus, deux étaient indiens ; ils ont travaillé principalement sur les articles relatifs à la citoyenneté, aux droits politiques et humains, ainsi qu’à l’organisation territo-riale de la nation. Le travail d’information sur les travaux des commissions a été très important et pédago-gique. En mai 1991, à la fin des travaux, les communautés indiennes sont allées à Bogotá pour remettre aux constituants leur "bâton de commandement", déclarant : "Avec ce bâton, nous ne vous remettons pas notre autorité ; elle nous appartient car ainsi en ont décidé nos communautés. Nous voulons que ce symbole nous revienne sous forme de droits, de possibilités de vie et d’espaces de participation". L’article 7 de la nouvelle Constitution stipule que l’Etat reconnaît et protège la diversité ethnique et culturelle de la nation colom-bienne. Dix-sept autres articles reconnaissent les droits des indiens ou des minorités ethniques en général, parmi lesquels : accession à la nationalité colombienne des indiens se trouvant sur des territoires limitro-phes de la Colombie et faisant partie de groupes ethniques transfrontaliers ; élection de deux sénateurs dans le cadre d’une circonscription indienne nationale ; cinq députés représentants des minorités ethni-ques ; reconnaissance des territoires indigè-nes avec les mêmes facultés que d’autres collectivités territoriales...


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Mots-clés Démocratie - Droit - Droit coutumier-droit étatique - Droits des indiens - Indien - Inter culturel - Législation - Minorité - Pluralisme juridique - Réflexion - Relation Etat/société - Ethnie -

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