Des marches pour l’amélioration de la situation des paysans sans terre

Ekta Parishad




Ekta Parishad, qui signifie “ le forum de l’unité ” en hindi, est un mouvement populaire régional en faveur de la réforme agraire en Inde. Il intervient dans six Etats du pays et essaie d’y soulever des questions importantes concernant notamment l’accès des paysans à la terre. Ce mouvement entend promouvoir l’indépendance et l’autosuffisance des populations rurales, mais aussi appuyer les populations les plus démunies - les femmes, les aborigènes et les sans-terre - dans leurs revendications concernant l’accès aux ressources naturelles. Selon P.V. Rajagopal, leader du mouvement, c’est à la suite de l’introduction de la mécanisation de l’agriculture sur le modèle occidental que les populations ont été dépossédées du peu de ressources dont elles disposaient. En effet, aux derniers petits lopins de terre cultivés par les populations, la mondialisation a substitué des multinationales, des usines gigantesques, des plantations, des infrastructures touristiques…, et ce avec la complicité de l’Etat indien. Or, ce modèle de développement ne fait que détruire les ressources grâce auxquelles un grand nombre de personnes survivent (l’eau, la forêt, la terre…). Les populations pauvres en sont les premières victimes. Ekta Parishad, luttant pour la distribution de la terre aux populations concernées, a adopté comme moyen d’action des marches non violentes à travers le pays. Ces marches visent à sensibiliser l’opinion publique et les responsables politiques au problème de l’accès à la terre, à rassembler des hommes et des femmes partisans du dialogue et de la communication, décidés à faire valoir leur droit à la terre et à un niveau de vie décent. Une première marche s’est déroulée de décembre 1999 à juin 2000 à travers la campagne du Madhya Pradesh. Elle a parcouru 3 500 km, visitant 1 500 villages. De nombreux rassemblements et réunions ont eu lieu, la parole a été donnée aux villageois et leurs témoignages enregistrés, des terres ont été occupées symboliquement par les marcheurs, des journalistes locaux ont suivi l’événement, des pétitions ont été envoyées aux autorités du pays et un dialogue a pu être instauré avec une partie de celles-ci et avec des grands propriétaires terriens… A la suite de cette marche, une cellule d’intervention (composée de 2 ministres, 2 secrétaires d’Etat, 1 conseiller du Premier ministre et 1 coordinateur d’Ekta Parishad) s’est mise en place, ainsi que des cellules décentralisées dans chaque département de l’Etat pour mettre en application la loi sur le terrain et redistribuer les terres. S’il existe en effet, comme le rappelle P.V.Rajagopal, des lois qui protègent les communautés les plus pauvres (telles les lois anti-esclavage, sur le salaire minimum, sur le plafonnement des surfaces des grandes propriétés…), celles-ci sont rarement appliquées de manière effective. Face au bilan positif et au succès de cette initiative, le mouvement Ekta Parishad, soucieux d’inscrire son action dans le temps et dans l’espace, a réitéré l’opération dans l’Etat du Bihar, où une marche de 500 km, traversant plus de 100 villages, a été organisée en septembre et octobre 2001. Elle visait une nouvelle fois à mobiliser la population pour établir un dialogue et construire un consensus autour de la réforme agraire et de la redistribution des terres. Elle s’est imposée à nouveau comme un mouvement non violent. En effet, dans un Etat frappé par 30 années de confrontations armées liées à la question de la terre, cette marche pacifique prenait tout son sens, son objectif étant de prouver l’existence d’alternatives non violentes et de faire de ces actions un outil pour le changement et le progrès social. Ce mouvement s’inscrit ainsi dans la lignée de ceux de Gandhi et de Martin Luther King qui avaient démontré dans leur combat que la désobéissance civile et la non-violence pouvaient être la clé de voûte d’un mouvement de résistance. La coordination européenne de soutien à Ekta Parishad, composée de plusieurs ONG ou groupements tels que la fondation Cesci (Suisse), Action village India (ONG anglaise), le CRIDEV (centre de documentation français), Réseau-solidarité (France), s’est fixée comme objectif de relayer et de soutenir en Europe les actions et les campagnes menées par le mouvement, notamment dans le cadre des marches, en “ achetant ” des kilomètres de soutien. P.V. Rajagopal insiste sur l’importance du soutien politique, moral, ou financier de ses partenaires, compte tenu du désintérêt de l’Etat pour les questions agraires. Toutefois, si P.V. Rajagopal ne considère pas que le support financier soit l’essentiel du partenariat et de l’acte de solidarité, il regrette néanmoins la réticence fréquente des ONG du Nord à soutenir des luttes qui visent à mobiliser les masses pour acquérir plus de poids et faire jouer les rapports de forces en leur faveur. Il préconise que soit abordé en Europe le thème de l’éducation à la citoyenneté internationale, de sorte que l’analyse que portent les ONG du Nord sur l’efficacité de leurs actions dans les pays du Sud change et qu’elles assimilent le renforcement du rôle des populations locales à un travail de développement qu’elles acceptent éventuellement de financer. Aujourd’hui, la mobilisation se poursuit pour faire de l’accès à la terre une priorité nationale. Ekta Parishad a organisé une tournée dans les régions forestières du Chattisghar entre janvier et mars 2003. Le message qu’elle diffuse est clair : non aux déplacements forcés des populations tribales et des petits paysans ; non à l’ordre général d’expulsion proclamé par le ministre fédéral de l’Environnement et des forêts à l’encontre des occupants dits “ illégaux ” des forêts indiennes. Ces marches pacifiques visent d’abord à la protection des droits des paysans sans-terre, pour leur permettre d’accéder aux ressources naturelles, particulièrement à la terre (une personne sans terre étant considérée comme une personne sans racines, elle est rejetée par la communauté), diffusant à travers les villages qu’elles traversent les idées d’indépendance et d’autosuffisance des populations rurales. Au-delà, ces marches entendent également promouvoir la non-violence comme un mode d’action politique autonome et efficace.


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Mots-clés Action collective - Lutte pour la terre - Mouvement populaire - Paysan sans terre - Pratique alternative du droit - Réforme agraire - Relation Nord/Sud -

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