La lutte des habitants de quartiers marginalisés de Madrid

Mouvement ATD Quart Monde de Madrid




1 L’organisation ATD Quart-Monde de Madrid fait partie du mouvement ATD Quart Monde mondial, qui a pour vocation de cheminer aux côtés des plus pauvres et de défendre et promouvoir leurs droits fondamentaux. 2 A Madrid, l’équipe de volontaires permanents (6 personnes en 2004) travaille dans les quartiers marginalisés avec les habitants, pour favoriser leur accès aux droits fondamentaux et à des conditions de vie dignes. En ce qui concerne le droit, habitants et volontaires du mouvement soulignent que la situation d’extrême pauvreté oblige souvent les gens à se mettre en dehors du droit et que cela constitue une limite à son utilisation. 3 Voici deux exemples de luttes menées par les habitants et les permanents du mouvement : le quartier de Baranquillas et le quartier « Pozo del Huevo ». Le quartier de Baranquillas, quartier marginalisé en périphérie de Madrid, s’est trouvé investi par le milieu de la drogue. Certaines familles qui vivaient là sont alors parties s’installer dans d’autres quartiers ou ont été expulsées, d’autres sont restées, comme celle de Bénita, parce qu’elle faisait partie des rares familles propriétaires de leur parcelle de terrain. 4 Le simple fait de vivre dans ce quartier rendait les habitants totalement inexistants aux yeux des pouvoirs publics. Ils ne bénéficiaient plus d’aucun droit. Du jour au lendemain, le bus scolaire a cessé de desservir le quartier, le chauffeur refusant de s’y rendre parce qu’il le considérait comme trop dangereux. 5 Benita et quelques autres familles ont décidé de réagir et de faire valoir le droit pour les enfants d’aller à l’école. Les volontaires du mouvement ont appuyé cette lutte. Des négociations ont été engagées avec différents responsables de la communauté de Madrid. Benita, qui ne savait ni lire ni écrire, est allée les rencontrer pour exiger que le bus continue à desservir le quartier. Lors des premiers entretiens, les responsables municipaux ont refusé d’agir. Sans se laisser décourager par cette première réponse négative, Benita a sollicité d’autres rendez-vous. Appuyée par les volontaires, elle est allée négocier avec les conseillers à l’éducation, les responsables municipaux, ceux du district..., afin d’obliger les pouvoirs publics à appliquer le droit à l’éducation pour les enfants du quartier. 6 Lorsque ces derniers se sont enfin décidés à apporter une réponse, ce fut pour proposer des places en pension pour les enfants de Bénita. Cette solution a été refusée, d’une part parce c’était une solution individuelle à un problème qui concernait tous les enfants du quartier et d’autre part parce qu’elle ne tenait aucun compte du droit à vivre en famille. 7 Ce sont finalement les habitants qui ont dû eux-mêmes proposer une solution – que les transports scolaires soient assurés par l’un des habitants du quartier - et la faire accepter par l’administration. 8 Les volontaires du mouvement soulignent qu’il s’est agi plutôt d’une lutte individuelle, même si elle a été menée pour l’ensemble des enfants du quartier et avec l’appui des autres familles et des volontaires du mouvement. 9 Cette expérience permet cependant de mettre en lumière l’inadéquation des réponses qui peuvent être apportées à un problème si l’on ne prend pas en considération la globalité de la situation et l’articulation entre les droits. Elle montre aussi la nécessité, face à des violations de droit et à l’inaction des pouvoirs publics, d’être en capacité d’inventer et de mettre en place ses propres solutions. 10 Le second exemple concerne la lutte collective des habitants d’un quartier de « chabolas » (bidonvilles), appelé « el pozo del huevo », afin d’obtenir leur relogement. 11 Les habitants de ce quartier ont un jour reçu une lettre d’expulsion, leur laissant 72 heures pour libérer le terrain. Ce dernier, appartenant à un propriétaire privé, allait faire l’objet d’opérations immobilières. Environ 200 familles avaient construit leur cabane pour pouvoir survivre et vivaient là depuis de nombreuses années. 12 La première réaction des habitants fut plutôt la stupéfaction. Les gens ne savaient pas quoi faire et se sentaient incapables de réagir. Aucun ne pensait avoir le droit de protester contre une telle décision. Les volontaires du mouvement ATD Quart Monde, qui travaillaient dans le quartier, ont essayé d’appuyer l’organisation des habitants, en insistant sur la nécessité qu’ils s’impliquent directement dans la lutte et en leur redonnant confiance dans leur capacité à agir. 13 Des réunions furent organisées et il fut décidé d’élire des représentants du quartier pour aller discuter avec les pouvoirs publics de la question du relogement. Pour choisir les représentants, les habitants décidèrent de poser 2 questions à chacun : « quelle est la personne qui peut te représenter le mieux ? », « quelle est la personne qui ne pourrait représenter personne ? », afin que la délégation soit la plus représentative possible et permette à chacun de prendre une place dans la lutte. 14 Les habitants se sont ensuite mis d’accord sur leur objectif : la lutte visait à obtenir le relogement de toutes les familles, ce qui signifiait que la mobilisation devait être maintenue jusqu’à ce que la dernière famille soit relogée. 15 L’une des premières actions menées a consisté à prendre contact avec un avocat pour lui demander d’introduire un recours en justice face à la décision d’expulsion. Des délais ont ainsi été obtenus permettant de laisser du temps pour organiser la mobilisation et demander le relogement. 16 Petit à petit, au fur et à mesure des discussions, les habitants ont pris conscience de leurs droits, de leur capacité à agir, à prendre la parole et exprimer leurs revendications devant différents interlocuteurs : le maire, les responsables du district, ceux de l’IRIS (institution chargée du relogement), … 17 Le principal mode d’action utilisé à été la négociation avec les pouvoirs publics et le propriétaire du terrain. Pour lui donner un impact plus fort, des pétitions ont été organisées et la lutte a été médiatisée en utilisant divers moyens de communication. 18 La lutte pour obtenir le relogement de tous a finalement duré près de 2 ans. Les habitants soulignent que les administrations sont souvent loin de leurs préoccupations et de leurs réalités. Leur rythme d’action est généralement décalé par rapport aux situations d’urgence rencontrées sur le terrain et ne permet pas d’apporter des réponses satisfaisantes. L’implication des gens directement concernés est donc indispensable pour forcer les responsables publics à se confronter à ces réalités et à agir pour que les droits fondamentaux soient respectés.


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Mots-clés Droit au logement - Exclusion sociale - Mobilisation populaire - Rôle de l’Etat -

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