Une ambassade universelle pour les sans papiers

Ambassade Universelle et Assemblée de Voisins d’Ixelles




1 L’ambassade universelle est nĂ©e de l’occupation d’une Ă©glise par des sans papiers lancĂ©e en 1998 Ă  la suite des mouvements d’occupation qui se sont dĂ©roulĂ©s en France. Les personnes sans papiers revendiquaient leur rĂ©gularisation collective et ces mouvements ont abouti Ă  l’adoption d’une loi de rĂ©gularisation de 1999. Cette loi prĂ©voyait que tous les sans papiers arrivĂ©s sur le sol belge avant une date fixĂ©e pouvait ĂŞtre rĂ©gularisĂ©s sous certaines conditions (durĂ©e de sĂ©jour en Belgique, durĂ©e de la procĂ©dure d’asile, raisons humanitaires, prĂ©sence d’enfants, etc.). Les sans papiers disposaient d’un mois après le vote de la loi pour introduire leur recours. Les premiers occupants ont tous obtenu leur rĂ©gularisation et sont donc partis, remplacĂ©s ensuite par d’autres groupes. 2 A la suite de l’incendie de l’église occupĂ©e, il a fallu trouver une solution de relogement pour les sans papiers. Après quelques temps de recherche, l’ancienne ambassade de Somalie a Ă©tĂ© trouvĂ©e, d’oĂą le nom d’« Ambassade Universelle ». La situation juridique du bâtiment met les occupants Ă  l’abri, puisque son propriĂ©taire est aujourd’hui introuvable et qu’on ne peut organiser une expulsion qu’à sa demande… Un lieu d’accueil et d’accompagnement 3 Actuellement, environ 30 personnes habitent Ă  l’Ambassade Universelle mais, contrairement aux premiers habitants, elles se trouvent toutes dans des situations diffĂ©rentes, ce qui complique les choses. Certains habitants ne rentrent dans aucun critère et n’ont aucune possibilitĂ© de rĂ©gularisation. Une dizaine de personnes, de tous profils (juristes et non juristes), travaillent bĂ©nĂ©volement Ă  l’Ambassade pour accompagner les sans papiers. 4 Un soutien juridique y est notamment mis en place, sous forme d’aide individuelle. Il avait Ă©tĂ© tentĂ© d’organiser des sĂ©ances d’information et d’échanges d’expĂ©riences collectives mais cette initiative a Ă©tĂ© stoppĂ©e, notamment parce que les gens Ă©taient gĂŞnĂ©s de parler de leur situation en public. 5 Il n’est pas forcĂ©ment facile de mobiliser les sans papiers et de faire en sorte qu’ils s’approprient la rĂ©solution de leurs problèmes. Cela dĂ©pend des personnes, de leur situation. De plus, aujourd’hui le droit des Ă©trangers est un droit qui va Ă  l’encontre des sans papiers, dans lequel il est difficile de trouver des failles, les personnes sont donc amenĂ©es Ă  chercher des solutions non juridiques Ă  des problèmes juridiques. 6 L’Ambassade Universelle se veut ĂŞtre un lieu d’organisation des sans papiers, un espace de dĂ©cisions et d’initiatives qui leur est propre ; les personnes qui interviennent bĂ©nĂ©volement essaient donc de prendre le moins d’initiatives possibles en terme d’actions collectives. La gestion de la vie quotidienne, l’aide Ă  l’organisation de fĂŞtes, de festivals leur prend dĂ©jĂ  beaucoup de temps. Des actions qui tendent Ă  faire bouger le droit 7 Le droit des Ă©trangers est un droit qui se situe sans cesse Ă  la limite du respect des droits de l’Homme et les militants utilisent cela pour essayer d’obtenir certaines jurisprudences favorables, certaines condamnations de l’Etat, pour faire annuler certaines rĂ©glementations, mais l’Etat revient sans cesse Ă  la charge avec de nouvelles lois pour annuler les effets des avancĂ©es jurisprudentielles obtenues ou de l’évolution des pratiques. 8 Des Equatoriens sont ainsi actuellement en train de s’organiser sur la question des enfants nĂ©s sur le sol belge. Une jurisprudence a en effet pu ĂŞtre obtenue dans ce domaine. L’Equateur ne reconnaĂ®t pas les enfants nĂ©s hors de son territoire. Par consĂ©quent, les Equatoriens font valoir le fait que l’enfant est apatride et que l’Etat belge doit lui reconnaĂ®tre la nationalitĂ© belge. La Cour d’arbitrage a admis ce raisonnement. Les Equatoriens se sont donc organisĂ©s et savent comment faire pour obtenir leur rĂ©gularisation en se servant de cette jurisprudence. 9 Mais actuellement le Conseil d’Etat est en train de revenir dessus en avançant l’argument selon lequel ce sont les Equatoriens eux-mĂŞmes qui rendent leur enfant apatride. 10 Un travail de lobbying lĂ©gislatif est Ă©galement menĂ© avec d’autres associations comme la Ligue des Droits de l’Homme. Une importante mobilisation a par exemple eu lieu contre la rĂ©forme du Conseil d’Etat qui visait Ă  supprimer les recours en urgence pour les Ă©trangers. La loi n’a pas encore Ă©tĂ© votĂ©e. Cette action avait Ă©galement Ă©tĂ© menĂ©e avec le Barreau puisque cette rĂ©forme avait Ă©galement pour consĂ©quence de priver, en pratique, les personnes de la possibilitĂ© de voir un avocat. L’expĂ©rience de l’AssemblĂ©e des Voisins d’Ixelles. 11 En juillet 2003, des centaines d’Afghans ont reçu simultanĂ©ment la notification de leur refus de demande d’asile et de l’injonction de quitter le territoire belge. Ils ont alors dĂ©cidĂ© collectivement d’occuper une Ă©glise dans le quartier d’Ixelles et d’entamer une grève de la faim. Or, dans ce quartier, il y avait eu, quelques semaines auparavant, une assemblĂ©e de voisins Ă  propos d’une rafle d’Equatoriens qui s’était produite dans le quartier : la police Ă©tait venue chercher les Equatoriens chez eux pour les expulser. Donc, Ă  l’arrivĂ©e des Afghans, une dynamique de quartier existait dĂ©jĂ  et les gens se sont de nouveau rĂ©unis pour voir ce qu’ils pouvaient faire. La rĂ©union s’est dĂ©roulĂ©e sur les marches de l’église, Trois groupes de travail se sont constituĂ©s : le groupe « presse », le groupe « manifestations » et le groupe « juridique ». 12 Des personnes de l’Ambassade Universelle sont venues proposer des sĂ©ances d’information sur le droit des Ă©trangers pour les habitants du quartier et les occupants de l’église. L’aide et la solidaritĂ© se sont dĂ©veloppĂ©es Ă  tous les niveaux. L’objectif des Afghans Ă©tait d’obtenir leur rĂ©gularisation collective. Le groupe juridique a travaillĂ© avec eux pour mettre en forme juridiquement leurs revendications politiques. 13 Si le Ministre n’a jamais reconnu qu’il s’agissait d’une procĂ©dure collective de traitement des dossiers, interdite par la convention de Genève, l’intervention du MĂ©diateur fĂ©dĂ©ral, Ă  la demande des Afghans, l’a obligĂ© a engager la nĂ©gociation. Ainsi, les Afghans, appuyĂ©s par les voisins d’Ixelles, ont rĂ©ussi Ă  obtenir que leur dossier soit traitĂ© selon la procĂ©dure des circonstances exceptionnelles, en justifiant qu’ils n’avaient pas pu introduire de demande d’asile dans leur pays d’origine comme cela doit normalement se faire (la notion de circonstance exceptionnelle n’étant pas vraiment dĂ©finie). Les Afghans demandaient Ă  connaĂ®tre les critères utilisĂ©s pour traiter leur demande ; ils revendiquaient des règles lĂ  oĂą il n’y en avait pas… 14 Le Ministre s’est finalement engagĂ© Ă  respecter un critère objectif pour l’examen de toutes les demandes d’asiles. En outre, les Afghans ont obtenu que la pĂ©riode durant laquelle l’ordre de quitter le territoire avait Ă©tĂ© suspendu (les 4 semaines de leur grève de la faim) soit prise en compte pour calculer le temps de prĂ©sence en Belgique nĂ©cessaire Ă  la rĂ©gularisation…, dĂ©cision innovante et exceptionnelle. L’aspect intĂ©ressant de cette lutte rĂ©side Ă©galement dans le fait que les rĂ©sultats n’ont pas Ă©tĂ© obtenus uniquement pour le groupe occupant l’église mais pour tous les Afghans vivant en Belgique.


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Mots-clĂ©s Droit des Ă©trangers - Formation juridique - Mobilisation populaire - RĂ´le de l’Etat -

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